Une fortuite rencontre dans l’est du Népal, et nous voilà invités à un mariage. Quelle plus belle manière de quitter le pays ?
Une journée de route banale au Bengale occidental, Inde
Quand tu t’arrêtes dans les coins les plus reculés de l’Inde. Après 2 minutes, après 3 minutes et après 5 minutes. Résultat des courses : la police a dû intervenir pour disperser la foule au bâton (ce n’est pas une blague !)
Un petit rappel de la chance que nous avons et à laquelle nous ne pensons pas nécessairement. Un calendrier d’une entreprise en Megalaya, Inde, mettant en scène nos paysages alpins. Ici, comme partout dans le monde, la Suisse est idéalisée à un point inimaginable !
Megalaya, ses impressionnantes chutes d’eau
Des escaliers très escarpés dans la jungle en Megalaya pour admirer les fameux « ponts vivants ». Nous avons compté pendant la remontée : 4’998 marches pour un dénivelé de 950 mètres ! Une petite vidéo où Paul fait l’âne avec le 30% utile de ses grands pieds
Et la récompense en valait la peine ! Tressés de génération en génération, ces ponts en racines sont multi-centenaires ! Là où les gens vivent en tribu, il n’y a ni routes ni infrastructures : l’adaptation est de mise
L’heure est à nouveau à la mécanique. La chaîne doit être changée et Paul attire bien des curieux pendant son ouvrage
La frontière entre l’Inde et le Myanmar… Une jolie représentation de tout ce que nous nous réjouissions de quitter ! 😉
Le Myanmar interdisant l’accès aux véhicules étrangers, nous rejoignons un groupe de 5 motards et un couple voyageant avec leur camion aménagé pour partager les frais d’un guide
Et nous voilà au Myanmar !
Notre arrivée dans ce pays marque la fin de notre aventure en Asie du Sud et nous ouvre les portes de l’Asie du Sud-Est !
La vallée des temples de Bagan, les cheveux au vent
Les couleurs orangées du coucher de soleil et la brume rendent l’endroit encore plus mystique
Petit extrait d’une conversation avec notre guide :
– Melissa, qu’est-ce que tu vas dessiner pour parler de la Birmanie ?
– Je ne sais pas… je n’ai pas encore eu le temps d’y réfléchir…
– Alors laisse-moi te donner une idée :

Le côté un petit peu marseillais des Birmans
Le lac Inle et ses villages lacustres sur pilotis
La belle vie
Les fameux pêcheurs traditionnels du Myanmar, de vrais équilibristes !
Tout un village s’est construit sur l’eau. Il y a même des rues – avec un nom à chacune -, des jardins et des temples !
Les « femmes girafes » au Myanmar
Un petit passage un peu plus critique sur une expérience au Myanmar. Il me (Melissa) tient à coeur de partager cela car nous n’étions absolument pas au courant d’un phénomène pourtant assez controversé en Asie du Sud-Est : l’attrait touristique concernant les femmes girafes¹. Pour celles et ceux qui veulent simplement voir des jolies photos de voyage et ne pas se creuser la tête sur mes théories barbantes de pseudo-intello-diplômée-en-anthropologie, la suite du récit continue plus bas ! 😉
Notre traversée du Myanmar avec un guide comprenait aussi une journée de “repos” au Lac Inle, visites touristiques incluses. Alors que Paul et moi-même regardions sur notre carte ce que nous pouvions aller visiter dans les alentours, notre attention s’arrête sur un point précis de la région indiquant “women with long neck”. Les fameuses femmes girafes ? Incroyable ! Nous voilà tout excités à l’idée de rencontrer ces femmes extraordinaires ! Pourtant, quelque chose nous turlupine… celles-ci sont notées sur la carte dans la section “site touristique”… Ok, le Taj Mahal est un site touristique. Oui, un musée peut être un site touristique. Un temple, même si sa vocation reste d’être un lieu religieux, peut-être visité par les touristes. Mais des femmes, des êtres humains ne sont pas un site touristique. Quelque chose cloche…
Je commence alors une petite recherche sur les femmes girafes et sur l’attrait touristique qu’elles exercent.
Les premières informations que l’on trouve sur internet sont des blogs de voyageurs ou des forums racontant des périples ou demandant des conseils par rapports aux femmes girafes. On remarque très vite qu’il y a controverse… si certaines personnes cherchent simplement à voir quelque chose de nouveau et que d’autres critiquent une sorte de voyeurisme, la plupart veulent simplement voir de l’authentique.
Tout cela porte à réflexion… Ne sachant pas encore trop quoi y penser, je préfère ne pas me rendre en ce lieu, tant pis si je ne rencontre pas de femmes girafes, je vis déjà tellement de choses extraordinaires !
Mais la vie en a décidé autrement. Le lendemain, toute notre petite troupe embarque sur des bateaux à moteur pour visiter la région du lac Inle. Tout étant organisé par notre guide, je me repose et me laisse profiter d’un moment où tout est (presque trop) facile. Alors que nous faisons un tour du marché flottant et de ses ateliers artisanaux, nous arrivons dans une boutique de souvenirs où se tiennent trois femmes girafes. La plupart des voyageurs prennent des photos et posent avec elles. Paul et moi-même préférons ne pas les photographier, nous sentons en effet un peu mal à l’aise par rapport à cette situation. Je souhaite vraiment insister sur le fait que je ne juge absolument pas l’envie de les photographier, je ne voulais personnellement simplement pas le faire, un peu pensive et ne sachant pas vraiment quoi penser après mes lectures de la veille. A la place, j’ai demandé à une des femmes si je pouvais faire un portrait d’elle. Étonnée, elle accepte, un peu timide. Je fais quelques coups de crayons pour les traits principaux et lui montre le maigre résultat. Elle sourit et demande à prendre mon dessin en photo. J’ajouterai plus tard les couleurs et les détails.
Le soir venu, je suis encore un peu chamboulée par cette expérience. J’ai envie d’en savoir plus. Les différents sites internet qui parlent du sujet ne proposent pas de sources fiables et/ou se contredisent. Je commence alors une recherche un peu plus approfondie et collectant diverses études² sur le sujet (et je me dis aussi que l’université pourrait même, étonnamment, me manquer un peu).
Les femmes girafes birmanes sont originaires de la tribu Padaung, tribu venant elle-même d’une des branches du groupe ethnique Kayan. Celles-ci sont surtout connues pour leurs colliers donnant l’illusion d’un long cou, mais elles portent aussi des anneaux sur les bras et les jambes (Theurer 2014 : 52). Contrairement aux idées reçues, le collier n’est pas le résultat de plusieurs anneaux s’ajoutant progressivement : il est constitué d’un seul élément en forme de spirale. Aussi, durant la vie de la femme Padaung, le collier est retiré plusieurs fois pour être remplacé par un exemplaire d’une taille – et d’un poids – plus conséquents. Le poids des anneaux pèse sur les clavicules et les côtes, les poussant ainsi progressivement vers le bas pour donner l’impression d’un cou allongé (Stone 2012 : 57). Ces premiers éléments permettent de réfuter une légende disant que punir une femme Padaung d’un acte jugé comme immoral pourrait consister à lui retirer ses anneaux ; sans les anneaux, la femme se retrouverait dans l’incapacité de retenir sa tête et mourrait (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 231).
L’origine de cette pratique n’est pas certaine : certains disent que cela avait pour but de protéger les femmes des morsures de tigres – qui attaquent principalement au cou – alors que d’autres pensent que les colliers étaient un moyen de préserver les femmes des marchands d’esclaves (Theurer 2014 : 53). D’autres explications concernant le port des colliers évoquent la volonté de se ditinguer des autres tribus par un marqueur identitaire ou encore de se rapprocher de l’image du dragon, symbole de la tribu (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 230).
Mais venons-en maintenant au coeur de la question : en quoi l’attrait du tourisme pour les femmes Padaung peut-il être problématique ?
Un peu d’histoire pourra aider à comprendre la situation actuelle. En effet, depuis l’indépendance de 1948, le gouvernement birman entretient des relations conflictuelles avec les multiples groupes ethniques qui composent le territoire (Leroy 2012). Un grand nombre d’individus ont depuis fui le pays, dont certaines personnes des populations Karen qui se sont en grande partie dirigées vers la Thaïlande (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 229). A la recherche de droits, de paix ou simplement d’une meilleure situation économique, les réfugiés Padaung ont animé chez les autorités thaïlandaises une envie de tirer le meilleur profit des circonstances. Les camps de réfugiés ont donc pris l’apparence de villages tribaux, aménagés pour le bonheur des touristes pouvant, moyennant un ticket d’entrée, s’immerger dans le quotidien d’une tribu Padaung, prendre des photos avec les femmes girafes et acheter des babioles dans les boutiques de souvenirs (Na Songkhla 2006 : 893). De nombreux auteurs voient ces villages comme des zoos humains ou des musées vivants, ajoutant même, pour certains, que les autorités refuseraient toutes sortes de services (soins, éducation, technologies) aux individus Padaung dans le but de les garder les plus primitifs possible : cela rendrait l’expérience touristique encore plus authentique (Theurer 2014 : 51). Cependant, d’autres auteurs ne partagent pas ce point de vue : les femmes Padaung seraient apparemment heureuses dans les villages à touristes. Elles gagneraient de l’argent facilement, auraient un niveau de vie satisfaisant et se sentiraient valorisées par l’attrait qu’elles créent. Si traditionnellement les femmes s’occupaient des enfants, des tâches ménagères et du tissage, elles se sentiraient ici plus fortes : les touristes viennent pour les voir elles, et non les hommes (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 239-241).
Et puis, une autre question se pose… est-ce vraiment authentique ? Car le tourisme est évidemment motivé par son désir de voir du vrai, de l’exotique… de l’authentique. Mais à force, il pourrait devenir difficile de discerner ce qui est authentique de ce qui ne l’est pas, de ce qui est une construction purement artificielle aménagée dans le but de plaire et satisfaire les curieux (Na Songkhla 2006 : 893). On peut donner l’exemple de certains moines placés autour de temples dans le but d’être photographiés plutôt qu’à des fins de piété (idem : 892) ; ou encore, des spectacles de derviches tournant, non pour prier, mais pour contenter les spectateurs. L’attrait touristique peut donc être créateur d’un faux folklore, d’un authentisme artificiel mais, encore une fois, tout n’est pas blanc ou noir : cela pourrait aussi aider à redonner vie à des traditions se perdant à cause de la modernité et de la globalisation. Car un intérêt porté aux vêtements, chants et cérémonies traditionnelles aide à préserver ces-derniers ; une curiosité externe peut stimuler une certaine fierté par rapports à des marqueurs identitaires. (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 236).
Soutenir des minorités ? Encourager des persécutions masquées ? Contribuer à un transfert d’esthétiques symboliques et morales vers un capital économique rendant des cultures inauthentiques ? Etancher sa soif de découvertes ? Participer à revitaliser certaines traditions ? Rendre service ? Voyeurisme ou curiosité ? Je n’ai pas la réponse à tout cela, je ne sais moi-même toujours pas quoi y penser, et même si j’avais une réponse, je ne l’imposerais à personne… Les sources se contredisent et ont pourtant mené des interviews parmi les femmes Padaung. Quoi qu’il en soit, partager cette expérience était important pour moi, premièrement car elle fait partie du voyage, et ensuite, parce que je n’avais aucune idée de toutes ces histoires : pour moi, les femmes girafes c’était un truc cool que j’avais probablement vu sur Arte un dimanche soir. Alors si j’ai pu apprendre quelque chose à quelqu’un, si j’ai réussi à intéresser au moins une personne (Maman, je compte sur toi) ou donner à réflechir sur les cultures, le voyage, le tourisme ou n’importe quoi, c’est super chouette. Moi j’ai en tout cas appris beaucoup de choses et j’ai fait un joli dessin ! 😉
Huit jours de route à travers le pays
Notre dernière soirée au Myanmar. Nous sommes tous conviés à fêter ça avec un verre de rhum dans le camion de Sara et Jean-Claude. Une belle équipe composée de sacrés personnages : Felix, l’Allemand qui a presque perdu sa nationalité en mangeant une curry wurst avec des baguettes ; Ivan, le Russe beaucoup trop russe ; Vladimir, l’Urkainien ex-officier de l’armée rouge ; Roxy, la Polonaise qui traverse le monde sur une moto de sport ; Mark, l’Anglais qui veut rouler sur tous les continents ; Kyaw, notre guide birman en « jupe » traditionnelle et veste en cuir ; Sara et Jean-Claude, qui passent leur retraite dans leur maison mobile !
Nous voilà en Thaïlande ! Enfin… nous voilà à la frontière thailandaise ! L’absurdité à l’état pur : devoir louer un semi-remorque, y mettre les motos, le suivre bêtement 70 kilomètres en minivan, décharger les motos au Laos et renter en Thaïlande depuis là. Tout ça parce que la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande est « fermée » pour les véhicules étrangers. Soyons honnêtes certains s’en mettent plein les fouilles…
Et en Thaïlande, les voici les voilà, les tant attendus Marius & Maurane ! Ils sont venus nous trouver pour les fêtes de fin d’année 🙂 Premiers visages connus après 6 mois de route, quel bonheur !
Nous passerons les premiers jours ensemble à explorer le nord-ouest de la Thaïlande, dans les alentours de Chiang Mai. Ici des geysers…
… et autres cascades sur la route de Paï
Après un amusant passage à l’hôpital où Paul devra passer une nuit à cause d’une bégnine opération, nous reprenons la route aussitôt ressortis en direction du Laos ! Marius & Maurane ayant pris un bus (qui s’est révélé être un tuk-tuk, un taxi, un bus, un bateau – mais c’est notre blog et pas le leur donc on va pas raconter leurs péripéties 😉 ), nous nous empressons d’avaler les quinze heures de routes nous séparant de Luang Prabang, point de rendez-vous
Le bonheur d’être réunies
Et, suprise, de leurs sacs à dos, ils sortirent au moins deux kilos de fromage ! Gruyère, vacherin, tome vaudoise, mozzarella et fondue qui nous ont tant manqué ! Tout ça fourni avec amour par la merveilleuse Sandra Sturny (ou « maman » pour Melissa). Une petite larme d’émotion pour saler nos pâtes en camping sauvage dans les montagnes laotiennes, et le tour est joué !
Réveil et café du matin au campement
Débute alors notre route dans ces somptueuses formations karstiques. Cliché de la péninsule indochinoise
Première photo : le repas de Paul. Deuxième photo : le dégoût de Melissa qui ne veut « même plus le toucher »
Dans notre auberge à Vientiane, c’est SOIREE FONDUUUUUUEEEEEE
¹ L’expression « femme girafe » est mise en italique car elle pourrait avoir des connotations coloniales : « The term ‘giraffe women’ was popularised particularly through the colonial exotification, when the British circuses exhibited the‘giraffe women’ for public entertainment. » (Heikkila-Horn / Kyaw 2019 : 225-226)
² HEIKKILA-HORN, Marja-Leena / KYAW, Maynadi (2019) : « From “Giraffe Women” to “Long-Necked Karen”. Kayan Women’s Journey io Agency in the Thai-Myanmar Borderlands », in Reliģiski-filozofisku rakstu, nº26, pp. 224-243
LEROY, Aurélie (2012) : « Mais que se passe-t-il en Birmanie ? », in Centre tricontinental
NA SONGKHLA, Sirima (2006) : « Local Culture In the Global Village : Authenticity In a Tai Tourist Town », in IASTE Working Paper Series, nº 189, pp. 889-911
STONE, K. Pamela (2012) : « Binding women: Ethnology, skeletal deformations, and violence against women », in International Journal of Paleopathology, nº2, pp. 53-60
THEURER, Jessica (2014) : « Trapped in Their Own Rings: Padaung Women and Their Fight for Traditional Freedom », in International Journal of Gender and Women’s Studies, nº 2(4), pp. 51-67
Je suis vraiment fan de votre blogue, fan de tes dessins, et fan de votre voyage.
Évidemment que tu m’intéresses avec les femmes girafe. Je n’étais pas allée « les voir » en Birmanie, ni ailleurs. Un grand merci pour toutes ces explications.
Vivement le prochain article, je me réjouis de découvrir vos impressions du Cambodge, les miennes étant encore toutes fraîches. Prenez soin de vous. 💟
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